L’orientation politique d’un département se révèle souvent à travers la couleur du vote de ses électeurs. Après avoir abordé l’histoire et l’évolution des 5 premiers scrutins de la Ve République entre 1965 et 1988 en Charente-Maritime, la rédaction d’AunisTV se penche sur la période 1995-2017.
Quatorze ans de règne socialiste ont passé et les électeurs se préparent à élire un nouveau candidat en 1995 pour la sixième élection au suffrage universel de la Ve République. À gauche, François Mitterrand, le président sortant, ne se représente pas. Le parti socialiste n’a plus de leader. À droite, le duel fratricide entre Édouard Balladur et Jacques Chirac, deux poids lourds du RPR, bouscule le paysage politique. La France restera-t-elle à gauche ou va-t-elle finir par complément basculer à droite après deux années de cohabitation entre Mitterrand et Balladur ?
Les Français se divisent sur cette question et la Charente-Maritime réserve quelques surprises dès 1995 et la campagne sera déterminante. Depuis 1965, toutes les élections présidentielles ont apporté leur lot d’enseignements sur le scrutin à venir. Mais sur quoi se sont-ils joués ? Quelle a été la position des Charentais-Maritimes ? Ce deuxième et dernier épisode de notre série fait un focus sur les élections présidentielles de 1995 à 2017.
1995 : « Mangez des pommes »
En 1995, la gauche et la droite se divisent au sein de leur parti majoritaire : le PS et le RPR. D’un côté, Jacques Delors, homme fort du parti socialiste à cette époque, déclare ne pas se présenter à l’élection sur le plateau d’Anne Sinclair, dans l’émission “7/7”. De l’autre côté, la droite est fracturée en deux. Balladur ou Chirac ? Le 18 janvier 1995, les deux anciens amis deviennent ennemis.
L’actuel Premier ministre présente sa candidature provoquant ainsi les défections de certains soutiens comme Pasqua ou Sarkozy dans le camp Chirac. Le 3 février 1995, avec 65,85 % des voix, Lionel Jospin devient le candidat de la gauche au détriment d’Henri Emmanuelli, le premier secrétaire. Le combat peut enfin commencer ! Face à Jospin, Chirac ne tremble pas. Face à Balladur, le combat est plus tendu. Le maire de Paris plie, mais ne rompt pas.
Il fait campagne, difficilement, mais impose son style et surtout son thème « la fracture sociale ». Il s’oppose à la France bourgeoise de son adversaire de droite en s’appuyant notamment sur le succès de sa marionnette aux Guignols de l’info qui fait rire la France entière et son slogan de campagne détourné « Mangez des pommes ! » par cette même émission diffusée sur Canal +. Alors, si le Premier ministre Balladur est crédité de plus de 30 % d’intentions de vote dans les sondages, contre 14 % pour son rival, la tendance va s’inverser à partir de janvier 1995, pour se croiser, le 1er mars.
Au soir du premier tour, c’est finalement Lionel Jospin qui crée la surprise en arrivant en tête. Il rassemble 23,3 % des voix, devant Chirac. Deuxième surprise, le patron du Front national, Jean-Marie Le Pen, prend la quatrième place du scrutin, comme en 1988, avec 15 % des voix. Le 7 mai, lors du second tour, renversement de situation. Jacques Chirac remporte l’élection avec 52,64 % des voix face à Lionel Jospin (47,36 %). Il s’y sera repris à trois fois.
Le scénario est similaire en Charente-Maritime entre les deux tours de cette élection présidentielle. Le premier tour est remporté par Lionel Jospin avec 24,68 % des voix contre 20 % pour Jacques Chirac et 18,08 % pour Raymond Barre (UDF). Au second tour, le maire de Paris déjoue les pronostics en obtenant 51, 67 % des suffrages dans le département.
2002 : un séisme politique
À la sortie d’une troisième cohabitation consécutive, Jacques Chirac se retrouve face à son adversaire fétiche : Lionel Jospin, actuel premier ministre. Sans surprise, la gauche fait son grand retour. Le pays s’attend à un duel classique entre la gauche revancharde et la droite. Mais rien ne va se passer comme prévu. Au contraire. La soirée du 21 avril est surréaliste. Lionel Jospin, avec 16,18 % des voix, est éliminé.
Jean-Marie Le Pen, candidat de l’extrême droite, prend la position de dauphin de ce premier tour, avec 16,86 % des voix. Il était pourtant annoncé à 7 % dans les sondages. Les causes de cette déroute politique ? L’ultime septennat que la France vient de vivre. Affaibli par sa promesse de réduction de la « fracture sociale » non tenue et les projets liés aux réformes de la Sécurité sociale et des retraites, Jacques Chirac tente de faire un coup de poker. Il dissout l’Assemblée nationale le 21 avril 1997 pour appeler à des élections législatives anticipées. L’Hémicycle bascule à gauche et le président de la République se voit contraint d’appeler le socialiste Lionel Jospin à Matignon.
Cinq ans plus tard, l’heure est au bilan et les Français veulent du changement. Résultat, le Front national se fraye un chemin. Loin de tenir un discours de victoire, le chef de l’État prend un ton grave et parle de fragilisation de « la cohésion de la Nation ». Le lendemain de sa défaite au premier tour, Lionel Jospin annonce son retrait de la vie politique. La déroute politique commence, mais les Français ne veulent pas se tourner vers les extrêmes. Pendant tout l’entre-deux tours, les manifestations se succèdent. De nombreux rassemblements s’organisent dans tout le pays. Le 1er mai, plus de 1,4 million de Français se rassemblent pour exprimer leur rejet des idées du Front national et de son candidat.
Le 23 avril 2002, Jacques Chirac refuse de débattre à la télévision avec Jean-Marie Le Pen et le PS, par la voix de François Hollande, appelle unanimement à faire barrage à Jean-Marie Le Pen. La France se mobilise unanimement pour faire barrage à l’extrême droite. Le soir du 5 mai, la victoire du candidat RPR est d’ailleurs sans appel. Chichi est réélu président avec 82,21 % des voix pour cinq ans. Marine Le Pen arrivera-t-elle aussi à créer la surprise 20 ans après celle de son père ?
2002. La Charente-Maritime se positionne clairement pour Jacques Chirac dès le premier tour. Le président sortant obtient 20,32 % des voix devant Lionel Jospin (16,12 %) et Jean-Marie Le Pen (13,41 %). Le second tour sera aussi largement remporté par Jacques Chirac avec 83,72 % des suffrages.
2007 : une élection passionnante
De 1995 à 2002, Jacques Chirac a installé la droite à l’Élysée. Douze années de pouvoir et quarante ans de vie politique qui semble sonner la fin d’une ère. A 74 ans, le président sortant est affaibli par un mandat difficile entaché la défaite du référendum sur la constitution européenne en 2005, un AVC (septembre 2005) ou encore l’échec du projet de Contrat Premier Embauche de 2006. Face à lui, une candidate sortie des tiroirs du PS se fait une place de choix dans le paysage politique depuis sa conquête de la région Poitou-Charentes aux élections régionales de 2004 et Nicolas Sarkozy, personnalité montante de la droite et ministre de l’Intérieur, prend le leadership de l’UMP. Chirac ne se représente pas.
Avec 60 % des scrutins, l’ancienne ministre de François Mitterrand gagne la primaire interne au PS devant deux cadors : Strauss-Kahn et Fabius. En décembre 2006, Ségolène devient la personnalité politique préférée des Français, loin devant un certain Nicolas Sarkozy. La voie est royale pour cette candidate qui pourrait devenir la première femme à devenir présidente de la République.
Sarkozy s’appuie lui sur son expérience de ministre de l’Économie et de premier flic de France pour s’imposer comme le candidat naturel de la droite grâce à ces idées à droite de la droite. On se souvient de la polémique de juin 2005 suscité après la mort d’un enfant tué par balle à La Courneuve. Sur place, Sarkozy parle de nettoyer la cité au Kärcher. Ses propos divisent, mais le ministre commence déjà à préparer le terrain pour 2007.
Deux programmes s’affrontent pendant cette campagne. Ségolène Royale joue la carte de la démocratie de proximité avec des idées novatrices et annonce des mesures sociales comme la hausse du SMIC tandis que Nicolas Sarkozy défend le libéralisme économique avec le fameux travailler plus pour gagner plus
et particulièrement sécuritaire. La campagne passionne, et dès le premier tour, les Français votent en masse. Le taux de participation est un record : 83,77 %.
Sarkozy prend les devants avec 31,18 % des suffrages exprimés et Royal prend la seconde position avec 25,87 % des voix. Troisième, Bayrou recueille 18,57 %. Un tour de force alors que Le Pen, quatrième, a perdu quasiment un million d’électeurs par rapport à 2002. Mais Nicolas Sarkozy creuse l’écart au débat de l’entre deux tours et est élu le 6 mai avec 53,06 % des suffrages.
En Charente-Maritime, les électeurs votent majoritairement pour Nicolas Sarkozy (30,09 %) dès le premier tour suivi de près par Ségolène Royal (27,66 %) et François Bayrou (17,22 %). Le second tour est aussi très serré. Mais c’est bien au candidat de l’UMP que les Charentais-Maritimes accordent leur confiance (51,93 %). Le taux d’abstention sera seulement de 11,37 %. Un record.
2012 : « le changement, c’est maintenant »
Le 31 mai 2011, François Hollande déclare sa candidature à l’élection présidentielle. Trois ans auparavant, le nouveau candidat de la gauche avait quitté son fauteuil de premier secrétaire du PS. Seulement, le combat s’annonce difficile. À gauche, Hollande doit affronter des mastodontes de la politique comme le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, qui sera finalement accusé de viol dans un palace new-yorkais le 15 mai 2011. D’autres candidats de la même famille montrent aussi les crocs comme Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, candidat de la gauche de la gauche, et Ségolène Royal qui rêve de confirmer son exploit de 2007.
Le 16 octobre 2011, 3 millions d’électeurs de gauche se rendent aux urnes pour la primaire citoyenne organiser par le PS et choisir le meilleur prétendant pour affronter Nicolas Sarkozy. Hollande tire son épingle du jeu et renforce sa légitimité. S’en suit une campagne à vitesse grand V. Le 22 janvier 2012, il lance notamment sa campagne au Bourget. Ses principales propositions : équilibre budgétaire rétabli en cinq ans, réforme fiscale, recrutement de 60 000 enseignants, réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité, dose de proportionnelle dans le scrutin législatif, mariage entre personnes du même sexe… Bref, « le changement, c’est maintenant » résume son slogan.
À l’instar de Chirac en 1995, Sarkozy patine et se présente comme « le candidat du peuple contre celui du système ». Il enchaîne les provocations en traitant son adversaire de menteur, de Tartuffe et de matraqueur fiscal. Les électeurs du Front national sont d’ailleurs les seuls à pouvoir lui permettre de remporter cette élection. Pour cela, il va durcir le ton en se plaçant une nouvelle fois à droite de la droite, mais Marine Le Pen qui a succédé à son père un an plus tôt, renforce son statut.
Fin février, Hollande assène un dernier coup d’épée en annonçant son intention de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million d’euros et renvoie Sarkozy à son image de président des riches. Une stratégie qui s’est avérée payante. Le 22 avril, il s’impose au premier tour : avec près de 29% des voix et prend l’ascendant sur le sortant, une première sous la Ve République. Marine Le Pen est à 18% des suffrages. Deux semaines plus tard, le socialiste l’emporte avec 51,7% des voix, le même score que François Mitterrand en 1981.
Dans le département, Hollande est désigné comme le candidat favori de cette élection. Il obtient 32,75 % des voix au premier tour contre 23,06 % pour Sarkozy et 17,72 % pour Marine Le Pen. Au second tour, le PS remporte l’élection avec 58,83 % des suffrages.
2017 : nouveau monde vs ancien monde
L’élection de 2017 est une véritable pièce de théâtre aux incroyables rebondissements. À la base François Fillon doit se retrouver face à Marine Le Pen au deuxième tour, mais le dénouement final prend une toute autre direction. Entre les retournements de situation, les coups de poignard et les coups du sort, les Français mettent du temps à s’intéresser à la présidentielle 2017. Premier élément de cette course à l’investiture : la désillusion du président sortant. Hollande est tout de suite éjecté de la course présidentielle par Emmanuel Macron et le bilan catastrophique de son quinquennat.
Impopulaire, le 1er décembre 2016, il annonce qu’il ne se représentera pas à un deuxième mandat, fait unique dans la Ve République. Ce quinquennat est aussi marqué au fer rouge par la vague d’attentats : Charlie Hebdo, 13 novembre 2015 et celui de la promenade des Anglais à Nice. S’ajoutent à cela les crises à l’internationale : Syrie, Ukraine, Yémen, etc. Une page de la gauche se tourne. C’est Benoît Hamon qui gagne l’investiture à gauche au terme d’une primaire citoyenne socialiste ouverte à tous devant Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Malheureusement, une grande partie de l’électorat socialiste traditionnel ne se retrouve pas dans les idées de Benoît Hamon, mais dans celle d’Emmanuel Macron.
Quelque temps avant, un deuxième acte s’engage dans cette campagne, mais cette fois-ci à droite du paysage politique français avec la primaire des républicains. Sarkozy rêve d’un retour à l’Élysée. Face à Sarkozy se dressent Alain Juppé, favori, et François Fillon, son ancien premier ministre. Le 27 novembre 2016, Fillon remporte la primaire. Deux candidats inattendus à droit comme à gauche se présentent alors devant les Français. Pendant ce temps, un nouveau personnage politique fait son entrée dans la course et commence à s’installer confortablement dans les sondages : Emmanuel Macron.
Protégé de François Hollande et propulsé à Bercy en 2014, cet ancien fonctionnaire est le nouveau visage de la France. En avril 2016, il annonce la création de son mouvement « En marche ! » et sa volonté de se présenter à la présidentielle. Ni à gauche ni à droite, le personnage casse les codes. Le 30 août 2016, il démissionne du gouvernement et se déclare officiellement candidat le 16 novembre. Macron impressionne. Son ascension est étonnante pour un homme qui débute en politique. Le 24 janvier 2017, nouveau tournant.
L’affaire du Pénélope Gate éclate aux yeux du grand public. Le « Canard enchaîné » soupçonne la femme de François Fillon d’emploi fictif. Une parenthèse pour l’ancien premier ministre. Il tente de se défendre au JT 20h le lendemain, mais son discours est de moins en moins crédible surtout quand on revient sur celui du 28 août 2016 : « Ceux qui ne respectent pas les lois de la République ne devraient pas pouvoir se présenter devant les électeurs », avait-il fustigé devant ses partisans dans son fief de la Sarthe.
Une enquête est rapidement ouverte par le parquet financier, et le 14 mars, Fillon est mis en examen. Les révélations se multiplient, son parti le lâche, Sarkozy prend sa revanche et le boulevard de l’élection présidentielle se referme devant le républicain à quelques semaines de la première échéance. Au premier tour, le 23 avril 2017, Emmanuel Macron prend la tête de la course avec 24,01 % des voix devant Marine Le Pen (21,30 %) et François Fillon (20,01 %) malgré la remontada de Jean-Luc Mélenchon (19,58 %) en fin de campagne. Le second tour tourne à l’avantage de Macron qui écrase Marine Le Pen avec 66,10 % des suffrages exprimés, soit 20 743 128 de voix.
Les Charentais-Maritimes ont apporté leur soutien à Emmanuel Macron (23,91 %) dès le premier tour. Marine Le Pen arrive en deuxième position (21,14 %) et François Fillon, troisième (20,59 %). Au second tour, Emmanuel Macron a rassemblé les voix de 64,84 % des votes exprimés maritimes.
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