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La Rochelle. À bout de souffle, la filière médico-sociale n’arrive plus à recruter

Le secteur du médico-social est en crise et les syndicats tirent la sonnette d’alarme à l’heure ou les associations et l’administration cherchent à recruter de nouveaux profils.

Le Département de la Charente-Maritime propose une bourse d’études d’un montant de 5 000 € aux étudiants inscrits en 3e année d’un Institut Social du Travail Social (IRTS).(©AdobeStock)

Le Département ainsi que les acteurs du secteur sanitaire et social de la Charente-Maritime sont confrontés à d’importantes difficultés en matière de recrutement dans le secteur du médico-social.

Cette situation, qui n’est pas spécifique à la Charente-Maritime, menace certaines missions auprès d’un certain nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens les plus vulnérables.

Des difficultés de recrutement qui font face à une hausse des besoins dans le secteur médico-social. Et pour cause. Les acteurs du secteur sanitaire et social alertent sur les difficultés de recrutement de personnels relevant du médico-social.

Le manque de travailleurs sociaux a atteint un niveau inédit qui menace certaines missions auprès des plus vulnérables. On note une désaffection inquiétante : 15 % à 30 % des postes sont vacants, 70 % des employeurs rencontrent des difficultés de recrutement, enregistrent des démissions et déplorent un important turnover.

Une situation amplifiée ces dernières années par la crise sanitaire et un changement de stratégie des associations du médico-social selon Cédric Rabiller, secrétaire adjoint du syndicat Sud-Santé 17 et moniteur-éducateur dans EEAP.

Une baisse « d’attractivité »

En France, on dénombre 1,3 million de travailleurs sociaux (Source DREES 2022) : 520 000 intervenants à domicile, 400 000 assistants maternels et assistants familiaux, 250 000 professionnels socio-éducatifs, 60 000 aides médicopsychologiques et 90 000 professionnels de l’action sociale.

De manière générale environ 65 000 postes sont non pourvus actuellement. Près de 30 000 postes (soignants, travailleurs sociaux), soit 5% de l’effectif global, seraient vacants dans le secteur (Source FEHAP et NEXEM – 19/01/2022).

Ces métiers sont très féminisés (9 /10 sont des femmes). Le nombre de travailleurs sociaux a globalement augmenté entre 2004 et 2013, il est stable depuis. 42 % sont âgés de 50 ans et plus.

Seulement, un risque d’aggravation dans les prochaines années plane au-dessus de ce secteur avec plus de 150 000 départs à la retraite prévus d’ici à 2025. Et la Charente-Maritime n’échappe pas à cette problématique comme l’explique Cédric Rabiller, moniteur-éducateur dans un EEAP.

Aujourd’hui, tous les jeunes quittent leur poste par manque d’attractivité du métier et se dirigent vers d’autres jobs ou vers l’intérim puisque le travail proposé est plus intéressant financièrement.  On voit une fuite des effectifs sur nos institutions depuis plusieurs années. Après, il faut dire que l’aspect financier et le management mis en place n’incitent plus du tout les gens à rester dans ce secteur » dénonce le secrétaire adjoint du syndicat Sud-Santé 17/79.

D’après le syndicat, les institutions passent aujourd’hui par des sociétés intérimaires qu’elles créent. Par exemple, toutes les associations du médico-social de Charente-Maritime ont mis en place une sorte de conglomérat pour créer leur propre société d’intérim « avec un recrutement professionnel à bas coût et non diplômé ».

En résumé, on est tout simplement sur une logique budgétaire. Au-delà de la perte d’attractivité et la difficulté de nos métiers, on doit maintenant respecter des budgets limités et cela devient de plus en plus compliqué surtout quand on doit tenir une équipe. Pourquoi ? Parce qu’on a plus de remplaçants ou si non, on embauche des gens qui n’ont jamais travaillé dans ce secteur et ne connaissent donc absolument pas les publics concernés. On des anciens militaires, des coiffeuses, etc. », dénonce le syndicaliste.

Avec des budgets contraints composés de Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens et État des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD – plans de finance sur du long terme) qu’ils sont obligés de respecter, les associations sont obligées de s’autofinancer. Et cela passe forcément par des économies…

La qualité de prise en charge des usagers est remis en cause. On peut se moquer d’Orpéa mais les établissements dans le milieu médico-social ne sont pas mieux que les EHPAD. En plus, on a une politique de nos associations qui cautionne ce manque d’attractivité parce qu’ils ne veulent pas mettre les financements nécessaires », explique-t-il.

Seulement, cette crise ne date pas d’hier. Depuis la fin des années 1990, le travail social est traversé par une crise de légitimité qui a conduit à l’adoption, en 2013, d’un Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Il visait notamment à « refonder le travail social ». Mais aujourd’hui, on constate une forte démobilisation de beaucoup de professionnels qui s’explique en partie par une baisse d’attractivité des métiers du social alors que dans le même temps, les besoins en personnel augmentent du fait du vieillissement de la population, de l’ampleur de la pauvreté et de la précarité.

Des difficultés de recrutement face à une hausse des besoins

Conséquence : professionnels et associations du secteur sont obligés de s’adapter à une situation de plus en plus préoccupante. Fatigués et à bout de souffle, ils se sentent même délaissés par le Ségur de la santé.

Les assos n’ont pas reçu les financements du Ségur dans le milieu médico-social sur l’année 2022,et derrière, les ARS vont leur demander de devenir le meilleur élève en autofinancement du Ségur. En résumé, on va demander de faire des économies à nos associations, en finançant le Ségur, en ayant de moins en moins de salariés, et en recrutant du personnel qui n’a pas de diplôme, pas qualifié, sans expérience et qui ne connaît absolument pas les publics qu’on accompagne. » Cédric Rabiller.

Pourtant, ils ont malgré tout été en première ligne durant la récente crise sanitaire et pour la plupart ont continué d’assurer leur mission d’accompagnement, de protection et de prévention auprès de publics fragilisés par cette crise. Dans ce contexte, la situation devient dramatique pour les professionnels du médico-social.

Moniteur-éducateur dans un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés (EEPAP), Cédric Rabiller raconte qu’il est actuellement obligé de coucher les enfants à 16h15 « de peur que les intérimaires qui assure le roulement le soir ne fasse des boulettes parce qu’ils ne sont pas diplômés et ne connaissent rien au métier ».

On parle d’attractivité du secteur, mais nous ne sommes pas sur ces thermes industriels au syndicat Sud-Santé. L’attractivité, c’est quoi ? Avant, c’était un métier tourné vers l’humain et le relationnel, maintenant, il n’y a plus d’humanité. On ne parle plus de vie, on parle d’austérité, de qualité de prise en charge, qualité du lieu de travail. Il n’y a plus rien…Tout est industrialisé ! « , précise-t-il.

Pour lui et son syndicat, le Ségur dans le médico-social reste une distorsion de ce qu’est le secteur public. « C’est un pansement sur une jambe de bois ! « .

Nos collègues ne restaient pas dans ces métiers pour l’argent. C’était surtout une question de conditions de travail qui deviennent de plus en plus difficiles. Par exemple, sur mon lieu de travail, sur toutes les infirmières, on vient d’avoir 5 démissions en 4 mois. Les gens ne supportent plus de faire de la m**** dans leur métier. », s’agace l’éducateur.

Même après trois/quatre semaines de vacances, au bout de deux jours, ils n’en peuvent plus tellement les conditions de travail sont difficiles, « tellement les directions sont dans des injections paradoxales permanentes. »

« La situation devient dramatique »

« Epuisés », Cédric et ses collègues sont unanimes : « La situation devient dramatique ! « . Et tout cela, avec de vraies difficultés de recrutement. Toujours d’après son témoignage, il arrive régulièrement que des groupes se retrouvent le week-end avec un professionnel pour 7/8 patients.

Globalement, « 70 % des employeurs de la filière ont des problèmes ». Mais le Département veut tenter de redynamiser un secteur en perte de vitesse.

Pour cela, il organise un forum le 30 septembre prochain. Il deviendra la « 1ère Journée départementale de l’Emploi médico-social »  et se déroulera au sein de la Maison de la Charente-Maritime à La Rochelle.

Ainsi, il s’agira non seulement de recruter – une centaine de profils seront proposés par 26 recruteurs – mais d’inciter jeunes et moins jeunes à aller vers ces métiers très utiles socialement, mais peu prisés puisqu’il y a urgence dans ce département très attractif pour les retraités.


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