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Dérives sectaires. Gourous et autres charlatans prolifèrent dans le domaine de la santé

En quelques années, les dérives sectaires ont pris de l’ampleur. Les méthodes ont même changé d’après le dernier rapport de la Milvilud. Plus fragmenté, les mouvements s’orientent sur les questions de santé.

La crise sanitaire a été propice au développement de pratiques susceptibles d’engendrer des dérives sectaires. (©Adobe Stock)

Dérives thérapeutiques, emprise mentale…A l’époque, les sectes étaient reconnaissables. Généralement, elles étaient de grands groupes structurés autour d’un gourou autoritaire. Depuis, leur méthode a changé et les dérives sectaires se sont multipliées notamment depuis la crise sanitaire.

Plus fragmenté, le phénomène sectaire s’est transformé en plusieurs petits mouvements qui se concentrent plus aujourd’hui sur des questions de santé, de bien-être, d’alimentation ou encore de retour à la nature précise le dernier rapport.

Plutôt de construire une religion alternative, elles visent des dérives thérapeutiques, des pratiques de soins non conventionnelles, comme la naturopathie, la nouvelle médecine germanique, la ventousothérapie, la méditation en pleine conscience dont l’efficacité n’a jamais été prouvée ou encore le jeûne et le crudivorisme.

Conséquence, les saisines de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ont atteint un nouveau record en 2021, en atteignant le nombre de 4 020, soit une augmentation de 33,6% par rapport à 2020, indique l’organisme dans son nouveau rapport.

Un bilan qui fait écho aux dernières accusations d’une mère de famille rochefortaise à l’encontre de son ex-conjoint la semaine dernière.  Elle accuse le père de son fils d’initier l’enfant aux rites bwiti, tradition ancestrale d’Afrique centrale, au cours desquels il ferait ingérer des racines d’iboga, une substance illicite en France.

Toutefois, ce nombre « ne reflète qu’une tendance et ne permet d’observer que la partie émergée d’un iceberg dont l’ampleur n’est pas connue », rappelle la Miviludes, de nombreuses victimes restant « totalement indécelables ».

Des dérives en phase avec son temps

Un Français sur cinq dit connaître dans son entourage une personne sous emprise sectaire. On parle de 500 000 Français concernés par le phénomène sectaire. Ça veut dire victimes, familles de victimes, proches de victimes.

Mais, depuis les années 1990, la structure de la secte muté jusqu’à prendre un autre chemin pendant et depuis la crise du Covid.L Cette période avait été un accélérateur du phénomène sectaire en France.

« Des manipulateurs isolés et parfaitement autonomes ont pu aisément exploiter ce contexte pour propager leur doctrine sur les réseaux sociaux », observe la Miviludes, organisme rattaché au ministère de l’Intérieur depuis 2020.

Résultat, quelques années plus tard, les gourous se transforment en « médecin » ou encore « en militant féministe ». Les sectes prennent ainsi le pas sur les sujets polémiques de notre sociét et les pseudo-guérisseurs deviennent de plus en plus nombreux.

Comme Thierry Casasnovas, YouTubeur crudivore et complotiste aux plus de 80 millions de vues ou encore l’antivax Jean-Jacques Crèvecoeur, soupçonné d’avoir une emprise mentale sur ses fidèles, d’embrigader leurs enfants, de les pousser à rompre avec leur environnement et d’avoir des exigences.

Bien évidemment, la spiritualité est toujours au cœur des « politiques » menées par les sectes puisque les « multinationales des dérives sectaires », comme l’Église de scientologie, l’Anthroposophie ou les Témoins de Jéhovah, ont par ailleurs continué de générer de nombreuses saisines, au même titre que « la mouvance chrétienne au sens large ».

Un phénomène sectaire « à l’état gazeux »

Autre dérive inquiétante : celle autour du « féminin sacré », « présenté comme un mouvement féministe » mais qui en réalité « essentialise les femmes en les réduisant à des organes génitaux ou des facultés reproductives ».

Sous couvert d’« empowerment », le « féminin sacré »  remet la santé au cœur du débat. Si une femme a des règles douloureuses, c’est qu’elle n’est pas « en accord avec sa nature profonde de femme ». 

Dans le détail, et d’après la Milvilud, 744 saisines concernent la santé en général, 148 le complotisme et les antivax, 173 le développement personnel, dont le coaching, 159 les spiritualités, le chamanisme et les psycho-spiritualités, 116 la méditation et le yoga et 35 les pseudos-sciences.

Sur les 4 020 saisines reçues par la Miviludes en 2021, 20 ont donné lieu à des signalements à la justice, au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale et 391 dossiers ont été transmis aux services compétences, comme les Agences régionales de santé ou la Direction générale de la concurrence.

Pour la Milvilud, ces nouvelles pratiques apparaissent avec l’avènement de « gourous 2.0 », souvent à la tête de groupe « mobiles, changeants et impalpables », caractéristiques d’un phénomène sectaire « à l’état gazeux ».

Elle a également reçu 86 saisines dénonçant des réseaux de ventes multi-niveaux, qui ciblent en majorité les jeunes hommes de 16 à 25 ans en leur promettant de devenir « trader » et de se faire de l’argent facile, 87 visent des formations professionnelles.

Une emprise au niveau local ?

En Charente-Maritime, plusieurs gourous ont été récemment condamné pour des faits renvoyant à une dérive sectaire. Le 20 mai 2021, le tribunal correctionnel de Poitiers condamnait Christian Ruhaut, installé à Aumagne, à quatre ans de prison pour abus de faiblesse et sujétion psychologique.

Le discret mouvement reiyukai, répertorié parmi les sectes, se fait également une place de choix en Charente. Alors, même s’il n’existe pas de définition des notions de «secte» ou de «dérive sectaire», la Milvilud appel à la vigilance de chacun.

L’intention du praticien, c’est précisément la clé, écrit la Miviludes sur son site Internet. « Toute dérive thérapeutique n’est pas forcément sectaire », rappelle-t-elle. Mais elle le devient « lorsqu’elle essaie de faire adhérer le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée ».


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