Deux ans jour pour jour après les faits, Daniel est venu donner sa version de l’accident de circulation dont il est à l’origine et qui avait causé la mort de deux cyclos des Randonneurs Rochelais.
Ambiance lourde que celle de la salle d’audience du tribunal judiciaire de La Rochelle, ce jeudi 15 septembre. Une grande partie du public arbore le maillot des Randonneurs Rochelais venu au soutien des familles de Jacquie, Marcel et de Patrick, Jacques et Rémy.
Ces cinq-là, c’est avant tout l’histoire d’une passion. Celle du vélo qu’il partage entre copains lors de leurs sorties sur les petites routes de l’Aunis. Mais ce 15 septembre, Jacquie et Marcel n’en sont plus. Quant à Rémy il avait frôlé la mort de très près, deux ans en arrière.
Une remorque chargée de planche de bois
Ce jour-là, les cinq copains roulent en file indienne à une trentaine de kilomètres par heure à la sortie de Périgny en direction d’Aigrefeuille-d’Aunis. Leur route croise celle de Daniel au volant d’une voiture avec une remorque chargée de planche de bois, « je revenais de Leroy-Merlin. J’avais acheté pour mes patrons de quoi faire des bacs à tomates ».
Daniel, ancien cycliste professionnel lui aussi victime d’un très grave accident de la circulation à Esnandes en 2001 alors qu’il préparait les Championnats de France, a eu plusieurs vies, « je suis de formation charpentier de marine. J’ai été directeur des services techniques dans une mairie. Aujourd’hui je travaille comme jardinier en chèque emploi service ».
Selon certains témoins, peut avant l’accident, la remorque de Patrick allait de gauche à droite. Puis elle se met en portefeuilles et fauche le groupe de cyclos qui venait en sens inverse.
Jacquie et Marcel sont tués sur le coup. Deux ans après les faits, Rémy n’est toujours pas consolidé physiquement. Lui, Patrick et Jacques ne le sont toujours pas également sur le plan psychologique. « J’ai vu la voiture dandiner », se souvient Rémy. « Moi j’ai vu l’apocalypse », rappelle Patrick.
Je leur ai parlé. Je les ai touchés. Je leur ai dit : relevez-vous les gars. Ne faites pas les cons. Mais j’ai compris que pour eux c’était terminé. Je culpabilise. Les copains sont partis et moi je suis encore là », raconte Jacques.
Un expert automobile a été mandaté par un juge d’instruction pour analyser l’accident. Selon ses conclusions, Daniel roulait à 50 km/h au moment de l’impact. Il n’était ni alcoolisé ni sous l’effet de stupéfiant. Son permis de conduire passé en 1968, comportait tous ses points. Reste l’état de la remorque qui a largement fait débat ce 15 septembre.
« La remorque a basculé et s’est mise en portefeuille »
Daniel explique l’avoir acheté 5 ou 6 ans avant l’accident sur le site le Boncoin. En juin 2020, suite à deux crevaisons successives un des pneus a été remplacé avec un autre acheté dans une casse autos à Aytré. Mais le diamètre n’était pas le même que celui monté en vis-à-vis.
Sur une distance de 10 km, la roue gauche faisait 160 tours de plus que la droite pour maintenir l’allure. La roue gauche tournait plus vite. Le moyeu a fini par casser. La remorque a basculé et s’est mise en portefeuille », détaille le président Gérald Faucou.
Le prévenu particulièrement taiseux conteste les conclusions de l’expert, « j’en ai parlé à des garagistes. Ils m’ont dit que si ça devait casser, ça devait casser. Ce n’est pas la cause de l’accident. Pour moi elle était en état de rouler ». La salle d’audience se plonge dans un long moment de silence.
« Je ne plaide pas la cause des cyclistes, mais celle d’une amitié détruite », assure Me Julie Benigno avocate des parties civiles. « Oui la mort c’est injuste », affirme le vice-procureur de la République Thierry May, avant de s’adresser au prévenu, « vous n’êtes pas la victime du destin. Une petite faute a entraîné des conséquences dramatiques ».
Condoléances
Une peine de 3 ans de prison avec sursis et une annulation du permis de conduire avec une interdiction de le repasser avant trois ans sont requises à l’encontre du septuagénaire. « J’ai longtemps envisagé de plaider la relaxe « , ne cache pas Me Eva Lusteau pour la défense. Avant de préciser, « il a sa part de responsabilité. Je plaide la dispense de peine ». « Je n’ai rien à dire. Je présente mes condoléances à toutes les familles. J’avais appelé le président du club. Je n’ai pas eu de réponse », conclut Daniel.
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 6 octobre.
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