Société, Vie des communes

Des ateliers culinaires comme vecteur social pour les détenus de la prison de Saint-Martin-de-Ré

Dans le cadre du projet Alimentation Sport et Santé initié par la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré, des ateliers de cuisines sont organisés avec les détenus pour leur apprendre à mieux manger. Mais cette initiative a aussi d’autres vertus.

Les détenus de la prison de Saint-Martin-de-Ré participent à des ateliers culinaires dans le cadre du projet Alimentation Sport Santé en détention. (©Corentin Cousin).

Voici un atelier culinaire pour le moins particulier. Et pour cause, les commis de cuisine ne sont ni plus ni moins que des détenus de la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré. Créés en 2015, ces ateliers intègrent le projet Alimentation Sport et Santé en détention mis en place par la prison rhétaise.

Depuis 2013, un Comité de pilotage en partenariat avec l’ARS de la Nouvelle-Aquitaine et la direction de la prison déploie plusieurs actions pour améliorer les habitudes nutritionnelles des détenus.

On s’est rendu compte que les détenus discutaient beaucoup autour de la cuisine et de leur recette. Il y a 18 nationalités sur la maison centrale. Il bénéficie aussi de petite parcelle pour jardinier et le travail de la terre ainsi qu’à la saisonnalité des produits. C’est une nouveauté cette année. Pascal Dupas. Cadre de Santé de l’Unité Sanitaire en milieu pénitentiaire.

Voir le reportage. 

Une dizaine de détenus

Un projet qui ne s’intéresse pas qu’aux assiettes des prisonniers. Le sport fait également partie de cette initiative. Et à la suite des différentes recettes concoctées par les détenus et l’animatrice culinaire, c’est un moment de partage avec le personnel qui s’instaure pour laisser place à la dégustation.

C’est très important pour eux de partager leur recette et les plats qu’ils ont faits. Ils partagent avec les surveillants et cela leur tient à cœur de nous présenter ce qu’ils ont préparé ».

Si ces ateliers sont ouverts à toutes les personnes en détentions, une sélection est préalablement effectuée, en fonction du profil de chaque individu. L’objectif est évidemment d’éviter tout débordement.

Ce ne sont pas tout le temps les mêmes détenus. Mais on a des équipes fidélisées. Certains reviennent souvent sur l’atelier cuisine, d’autres sur la permaculture ou encore sur le sport. On voulait avoir un maximum de propositions pour pouvoir toucher un maximum de personne en détention. On est actuellement entre 40 et 50 participant sur l’ensemble des activités. Cela correspond à 12% de la population carcérale ».

Un moment d’évasion

Pour ce détenu, qui a accepté de témoigner sous garantie de son anonymat, cette activité est un vrai bol d’air.

Cela m’apporte du bien. Cela nous change de la cellule à manger h24 la même chose. On peut aussi refaire les recettes que l’on apprend en cellule. Moi je fais des omelettes au miel par exemple, c’est très bon ». Un détenu.

Et surtout, cela lui permet de découvrir ou redécouvrir de nouvelles saveurs. Et le moment de la dégustation, c’est ce qu’il préfère.

C’est autre chose que les repas en cellule qui n’ont pas de sel ou peu d’assaisonnement. Si l’on pouvait avoir ça tous les jours… (rire) »

Des ateliers qui se déroulent environ tous les deux mois sur l’ensemble du site de la Maison Centrale. Ce qui correspond à une quinzaine d’ateliers par an. Si sur les derniers rassemblements cuisine, les animateurs étaient tournés sur des plats plutôt végétariens, cette fois-ci le menu est un peu différent. Un menu toujours élaboré en collaboration avec les détenus.

En l’occurrence, là, on aura un peu de poisson avec du maquereau. On est sur l’île de Ré donc on privilégie ce type de produit. On cuisine aussi des légumes. Et en dessert, deux gâteaux au chocolat dans lesquels on remplace la matière grasse ici le beurre, par de la courgette ». Maëlle. Infirmière à l’Unité Sanitaire et chargée du projet.

Pour Maëlle, l’infirmière de l’Unité Sanitaire de la prison et chargée du projet, elle constate une réelle différence d’attitude de la part des détenus.

Il y a une vraie différence, le contact est différent. On travaille en collaboration, ici par exemple il m’appelle par mon prénom. Cela permet d’instaurer une relation de confiance qui nous sert par la suite lorsqu’ils ont besoin de nous voir à l’infirmerie.

Un vrai vecteur social

Plus qu’un simple atelier culinaire, cette activité est avant tout un vecteur social. C’est en tout cas ce qu’a remarqué la directrice adjointe de la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré.

C’est une activité qui permet de faire autre chose de ce qu’ils ont l’habitude de faire en détention. En temps normal, ils mangent seuls dans leur cellule donc ils sont confrontés à des moments d’échanges avec ces ateliers et cela leur fait du bien. Séverine Godefroid. Directrice adjointe de la Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré.

Cela permet également de créer un climat différent entre les surveillants et les prisonniers. Un apaisement naturel des relations s’instaure, bien loin des clichés du milieu carcéral.

Le cliché fait partie de l’imaginaire d’une détention. Mais il y a un échange qui s’entreprend entre les surveillants et les prisonniers. Ils réussissent de part et d’autre à créer du lien et ainsi avoir une image différente des détenus et des surveillants. Le relationnel est différent, ce qui permet de libérer la parole lorsque certains détenus en ont besoin.

Le projet Alimentation Sport et Santé en détention se poursuivra jusqu’en 2024 dans cette Maison Centrale de Saint-Martin-de-Ré. La plus importante de France où près de 400 détenus composent la prison rétaise.


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